Cat. 66
Plume, encre grise, lavis de bistre, papier vergé ivoire
H. 21,7 cm ; L. 24,7 cm avec la lettre
Lettre à l’encre brune détrempée par l’humidité : Sensibilité d’Henry IV / Dédié à Monseigneur A.. J. De Bethune Duc de Charost Pair de France, &Ce. / Rosny qui combattoit a côté d’Henri IV a la Bataille d’Ivry le 14 Mars 1590, où il fut très blessé, et évanoui, il ne revint a lui même / qu’environné de morts, et désarmé. Quatre des ennemis vinrent à lui le prierent de le resevoir pour ses prisonniers, il n’apprit que / par eux le gain de la Bataille qu’il croyoit perdue. Il se fit transporter aussitôt a Rosny, et il y arriva sur un brancart fait / a la hâte, environné de ses gens qui portoient en triomphe les débris de ses pistolets, les tronçons de ses épées, les lambeaux de ses / panaches, accompagné d’henry IV [sic], qui y étoit alors, vint au devant de lui et lui dit :Vous veux.je embrasser des deux bras, et se séparant / de lui : adieu, mon ami, portez vous bien et soyez sur que vous avez un bon maître. / Cité de l’Eloge de Sully par mr Thomas, 1763 page 9, Note II.
Henri IV rencontrant Sully après la bataille d’Ivry
Au dos du montage se trouvait l’estampe correspondant au dessin (fig. 66 a), portant le même titre et la même dédicace à Armand Joseph de Béthune, duc de Charost (1738-1800), qui, dans la descendance du grand Sully, s’illustra par ses idées philanthropiques et sa passion d’agronome physiocrate. Arrêté sous la Terreur, il échappa à la mort grâce au certificat de civisme qui lui fut délivré par la société populaire de Libreval (Saint-Amand-Montrond), où sa réputation de grand propriétaire éclairé était restée intacte. Si la lettre n’a pas été retenue dans cette estampe, on la trouve dans un autre état, où le texte corrige certaines bévues de la version manuscrite (tout un membre de phrase oublié dans la description du cortège de Sully et de ses prisonniers), mais reprend et résume, avec les mêmes erreurs, l’Eloge de Sully de Thomas, auquel il est fait référence1.
Entre-temps, le sujet était passé au premier rang des sujets à la mode : la franche et généreuse bravoure du roi et de son ministre, et surtout, sans doute, la sensibilité d’un « bon maître » apprivoisent les accents guerriers des écrits de Sully. Thomas revient, en le simplifiant, au texte de Sully, sans recourir apparemment à la refonte des Œconomies royales en véritables Mémoires opérée par l’abbé de L’Écluse des Loges (1745), réécriture au goût du jour du témoignage ancien, non sans quelques traits d’une agréable naïveté. Le petit chien (c’est le figurant qui approche du plus près le roi et le ministre) rappelle les circonstances de la rencontre. Une relative gaucherie, qui réapparaît dans le détail des personnages, ne permet pas de maintenir l’attribution à Moreau le Jeune proposée lors de la vente de 1977, en dépit de réelles qualités d’animation et de finesse que l’on ne retrouve pas dans l’estampe.
Note
Auteurs : P. Mironneau, Cl. Menges
© Réunion des musées nationaux – 2007