Cat. 40
Vers 1775
Plume, encre et lavis bruns, rehauts de blanc, papier préparé brun
H. 40,3 cm ; L. 33,4 cm
Inscription sur le montage, à l’encre brune : HENRI.IV. / Dessiné par Dugourc.
Le thème moralisateur tiré de la geste henricienne inaugure bien le règne de Louis XVI. Henri, prince huguenot, vainqueur de l’armée catholique d’Henri III à Coutras le 20 octobre 1587, brille par sa clémence et par sa pratique de l’honneur chevaleresque. Comme dans le dessin précédent, l’artiste affiche une préférence pour des épisodes assez recherchés. Autre caractéristique commune, dans son intérêt pour les sujets historiques : sa fidélité à des sources transcrites avec précision, mais dans une grande élégance décorative.
Le récit mérite sans doute quelques précisions. Cette mise en valeur de la clémence du prince s’appuie sur un fait bien avéré. La bataille de Coutras fut une hécatombe dans les rangs de la noblesse catholique, qui compta près de deux mille morts, tandis que, du côté huguenot, les pertes furent faibles. Henri, vainqueur de la rencontre, éprouve une sincère compassion, renforcée par le sentiment d’appartenance à un même groupe social durement éprouvé par ces événements.
Le roi de Navarre, en effet, libéra sans rançon ses prisonniers catholiques, s’inquiéta des blessés et laissa paraître son émotion devant le sort du duc de Joyeuse, qui avait pris la tête de ses ennemis, et de son frère Saint-Sauveur, mortellement blessés dans le combat. C’est à l’hôtellerie du Cheval blanc, où logeait aussi Duplessis-Mornay, qu’il passa la nuit et donna ces manifestations d’une âme généreuse. On lui présenta alors les dépouilles du vaincu, mais, en général sobre et clément, il refusa d’y toucher.
Dugourc ajoute aux récits historiques et légendaires l’aisance d’une forme dialoguée et fait preuve d’un art déjà magistral pour situer la scène avec brillant, ne négligeant aucun des éléments de décor (les tapisseries, le plafond, le lustre, mais aussi les drapeaux) et mettant en œuvre un judicieux usage de la lumière. Une seconde version, moins aboutie, mais datée et signée (1775), de la même composition, est conservée à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris (collection Mathias Polakovits, fig. 40 a). Beaucoup de détails ont changé ou se sont rajoutés, de cette version préparatoire jusqu’à notre dessin (ainsi le chien dégustant les reliefs du repas du roi). Il subsiste comme intention primordiale le geste affable et généreux d’Henri clément et victorieux.
Auteurs : P. Mironneau, Cl. Menges
© Réunion des musées nationaux – 2007
Zoom navigable
FIG. 40Â a
Jean Démosthène Dugourc
Le Souper d’Henri IV à Coutras, 1775
Graphite, lavis gris
Paris, École nationale supérieure des beaux-arts, inv. PM 1495