Cat. 201
1830-1834
Plume, encres grise et brune, lavis brun et gris, rehauts de blanc sur traces de crayon graphite, papier vergé ivoire (2 feuilles)
H. 23,4 cm ; L. 64,8 cm
Inscription au verso, en bas à droite, à l’encre brune : Vue de la Ville et du Chateau / de Pau (Basses Pyrénées) 1er mars 1834.
Talent précoce, élève de Valenciennes, engagé dès 1792 dans la Compagnie des arts, Lejeune se trouve dans les armées du Nord puis de Sambre-et-Meuse, passe dans le génie en 1795, devient aide de camp de Berthier après 1798. Témoin des grandes batailles (Iéna, Friedland, le siège de Dantzig, Tilsit, Essling, Wagram), il associe à cette carrière militaire un brillant parcours artistique consacré aux grandes heures de la geste impériale. Redevenu bien en cour en 1830, Lejeune reçoit le commandement du département de la Haute-Garonne. Libéré de ces fonctions en 1837, il devient directeur de l’école des Beaux-Arts de Toulouse et conservateur du musée de la ville ; il est enfin maire de Toulouse de 1841 à 1848. Marguerite Gaston avait souligné l’intérêt de ses compositions dans les années 1830-18401 (Château de Crac vers les sources de la Garonne, Cascade du lac d’Oo, Pont de Sia et environs de Tarascon-sur-Ariège). Resté attaché à un style héroïque, il tend à produire une idée du voyage et du tourisme proches de l’aventure guerrière. S’il n’est pas le peintre de la couleur locale, comme on l’a justement noté, l’unité de son œuvre n’en est que plus limpide. Provenant de la collection de l’artiste puis de sa famille, vendu avec des vues de Tarascon et Beaucaire, Marseille, Tarascon-sur-Ariège, Foix (le château), Orthez (le pont), le dessin du château de Pau est extrait d’un carnet de voyage. La datation de cet ensemble n’offre aucune précision définitive : l’annotation des feuilles relatives à Marseille, Tarascon-sur-Ariège et Foix semble suivre l’itinéraire du baron de mars à juillet 1830 ; Orthez et Pau, non datés, viennent ensuite. Mais, entre-temps, l’actualité a rattrapé le voyageur, qui en août de la même année, à Ussat, prend connaissance de la chute de Charles X. D’autres vues de l’album sont datées de 1832 (Saint-Béat), 1833 (le lac d’Oo) ; le fait est que les événements politiques ont introduit une discontinuité. Il est pourtant établi que le baron Lejeune a passé une partie de l’été 1830 à Ussat-les-Bains, où sa femme était en cure, puis, « après un court séjour à Pau et aux Eaux-Bonnes » (selon Marguerite Gaston), qu’il a regagné Toulouse.
L’inscription portée au dos du dessin (1er mars 1834) entre en concurrence avec cette chronologie, mais elle ne remet pas en cause les données architecturales et paysagères exploitées par l’artiste, puisque les grandes campagnes de restauration du château de Pau lancées par Louis-Philippe ne débutent qu’en 1838. Le monument est abordé du parc, qui revêt l’apparence d’un morceau de forêt profonde. Ce point de vue, maintes fois choisi par les paysagistes du début du XIXe siècle, de Millin du Perreux, autre élève de Valenciennes, à Melling, satisfait pleinement au principe de la perspective atmosphérique. Le premier plan repoussoir et les lointains montagneux, très aériens, sont traités avec envergure. Un survivant de la génération des grandes batailles napoléoniennes vient saisir le spectacle endormi d’un château mystérieux, observé d’un angle choisi, comme le feraient des artilleurs face à une place défensive.
Note
Auteurs : P. Mironneau, Cl. Menges
© Réunion des musées nationaux – 2007