Cat. 39
Graphite, papier vergé crème
H. 17,8 cm ; L. 36,8 cm
Inscription sur le montage, en haut, à l’encre noire : HENRI IV FAIT UNE REPARATION PUBLIQUE AU COLONEL SCHOMBERG
Numéro en haut à gauche sur une étiquette : 156
Au dos du montage, cachets de vente : vente Tassinari et Vente J. D. Dugourc
C’est un épisode rarement représenté de la légende henricienne qui vient sous le crayon d’un artiste peu attendu sous le rapport des sujets à caractère historique ; on ne peut que noter, au premier abord, l’exception que représente cette anecdote dans la carrière de Jean Démosthène Dugourc, mieux connu sous les traits d’un ornemaniste de grande réputation. Simple crayon, esquisse bien enlevée mais sommaire, exécutée selon toute vraisemblance entre 1770 et 1790 : l’essai plonge au cœur du travail de l’artiste. Le montage et la numérotation (156) sont là pour rappeler ce parfum, ce passé d’atelier, un parcours qui, par la vente après décès de 1825, suit les frères Grand (successeurs de Pernon), lesquels auraient alors racheté les dessins de Dugourc (à moins que ceux-ci n’aient déjà appartenu pour la plupart à la maison Pernon1), puis leurs propres successeurs, Tassinari et Chatel (on lit d’ailleurs la marque de Tassinari). Le dessin figurait à la Vente Dugourc de 1988, relative au fonds Tassinari-Chatel.
La source du présent épisode est à chercher dans le plus connu des ouvrages à caractère biographique qui ont vulgarisé les faits et gestes du bon roi : l’Histoire de Henri le Grand d’Hardouin de Péréfixe, composée en 1661 (et augmentée d’un recueil « de quelques belles actions et paroles mémorables » en 1662). Le fait est repris dans L’Esprit d’Henri IV de Louis Laurent Prault en 1770 pour mettre en valeur l’honnêteté du roi, franc et loyal sous l’habit de soldat, mais brillant aussi par son humanité, au point de reconnaître ses erreurs : plus sage en cela que tous les monarques pompeux ! La veille de la bataille d’Ivry (1590), le colonel Tische (ou Theodoric de Schomberg), qui commandait une troupe de reîtres allemands, se résout, sous la menace d’une mutinerie, à demander au roi les sommes qu’il doit aux mercenaires. Henri s’emporte, et le colonel se retire tristement. Mais le lendemain, avant la bataille, au moment où toutes les troupes se rassemblent, Henri le Grand reconnaît publiquement ses torts. « Sire, répond le colonel, en me rendant l’honneur, vous m’ôtez la vie » : il mourut en effet au cours du combat.
Le traitement de ce rassemblement militaire, qui présente d’ailleurs d’importantes analogies de présentation avec L’Hommage rendu au maréchal de Catinat du même artiste et utilise notamment la même disposition en frise, traduit un intense effort de moralisation. Il laisse supposer que notre dessin date des mêmes années que ceux de Dugourc conservés à l’École des beaux-arts, au début du règne de Louis XVI. Une eau forte d'Alexis Chataignier (1772-1817), au début du siècle suivant, nous semble en être inspirée (musée national du Château de Pau, inv. P. 56.16.7). La thématique guerrière passe de l’évocation directe de la valeur militaire à la recherche d’une sagesse et d’une humanité transformant radicalement la figure du héros.
Note
Auteurs : P. Mironneau, Cl. Menges
© Réunion des musées nationaux – 2007